mardi 7 février 2017



                          

                                    Homme solitaire (Moine)


Dans le calme et le paysage enchanteresse de Danyi-Dzogbegan, située au Sud-Ouest du Pays, environ 185 km de Lomé, la capitale du Togo et environ 50 km de la ville de Kpalimé, se trouve l’abbaye de l’ascension. Un cadre propice pour le repos et la méditation. Dans ce monastère où tout invite au silence, nous allons à la rencontre des moines, maitres des lieux. 
Perchée sur un plateau à 800 mètres d'altitude où il règne une température de 18°C à 25°C, nettement plus agréable qu'à Lomé

  Interview avec le frère Jean Christophe

Moi Souleymane Ag Anara et Frère Jean Christophe


Qu’est-ce que c’est qu’un monastère ?
Un monastère c’est le lieu où vivent les moines. Il est organisé autour d’un  supérieur, un premier responsable autour de qui  les autres moines  vivent leurs vies de tous les jours. Le monastère c’est l’école de vie, l’école de la charité  où on apprend à aimer Dieu.
 
 




L’abbaye de l’ascension de Dzogbegan existe depuis 1961. Les premiers fondateurs sont venus depuis l’Abbaye Saint Benoît d'En Calcat où existe la maison mère, sur la demande de Monseigneur Strebbler, à l’époque métropolitain à Lomé.  Le 05 Janvier 2017, le monastère a fêté son 56ème anniversaire.
 
Qui peut-on appeler moine ?





Un moine est avant tout un religieux. Un chercheur de Dieu qui se retire de l’agglomération ou bien des sollicitations de tous les jours pour être dans un état de seul à seul avec son Dieu. Tous ceux qui partagent cet idéal sont ces personnes qui s’organisent et qui se retrouvent dans ce lieu qu’on appelle monastère pour chercher ensemble cet idéal commun qui est Dieu. 

Ils se retirent du monde, de la famille, de leur quotidienneté pour se retrouver dans un espace aménagé, organisé pour mieux chercher leur objet de quête.
Pour les moines bénédictins, nous pouvons dire, s’il y a des devises, eh bien cette devise n’est que :plus rien ne dépasse l’amour du Christ, plus rien ne vous retire de l’amour du christ. L’amour du christ est premier dans toute votre vie et donc le supérieur est celui qui est appelé à organiser pour que la vie des moines soit orientée sur ce premier objectif qu’est l’amour du christ.
Pour bien mener cette mission, le monastère est organisé autour de deux piliers, la prière et le travail. D’aucuns ajouterons un troisième pilier qui est la lecture. On peut comprendre que la lecture est une étape de la prière.
La règle sur laquelle notre vie est organisée, c’est la règle de Saint Benoit le fondateur. Il avait écrit la règle au 5ème, 6ème siècle, composée de soixante-treize chapitres. Les grandes lignes sont la prière, le travail et le repos. Ces règles stipulent que toute organisation du travail doit se faire au sein du monastère. Il ne faut pas que les moines sortent du monastère pour aller travailler.

Qu’est-ce que les moines vivent comme charisme ?


Eh Bien de go je dirai qu’il n’y a pas de charisme. Au sens du mot comme on le comprend aujourd’hui chez nos frères franciscains, dominicains (NDLR, des communautés religieuses)... qui ont tel et tel charisme, si charisme il y a, pour les moines, c’est être présent. Ceci je l’ai d’un cardinal Bénédictin qui a dit que le moine, si charisme il y a, son charisme c’est d’être là. Qu’est-ce qu’être là ? Témoigner le règne de Dieu dans leur vie de tous les jours. Ils ne vont pas focaliser tous leurs efforts sur cet aspect de vertus, de qualités humaines. Non. La quête de ces vertus doit les amener vers quelque chose et ce quelque chose c’est Dieu. Donc on peut dire que les qualités sont des moyens pour accéder à cette quête.

C’est comme chez les franciscains qui ont pour charisme la pauvreté mais ils ne cherchent pas la pauvreté pour la pauvreté mais ils cherchent Dieu à travers la pauvreté. Chez les moines on peut dire que c’est très bien exprimé. Ils vivent la pauvreté, ils vivent la prédication, ils vivent les charismes des autres congrégations mais en vue de trouver Dieu  Donc le charisme du moine si ça existe c’est être là tous les jours dans sa quête de  Dieu et dans sa relation avec Dieu.

Comment se décline votre quotidien ?



Notre journée commence toujours par la prière de Laudes, prière de louanges.  La nuit d’avant vous dormez mais vous ne savez pas si vous allez vous réveiller ; alors quand on se lève le matin, il y a de quoi rendre gloire à l’auteur de la vie, à celui qui a donné ce nouveau souffle, Vivre pour s’approcher de lui un peu plus.  La prière de Laudes est donc une prière de reconnaissance que nous adressons au créateur lui qui nous a donné la vie. A l’image des oiseaux qui chantent le matin, dans ce chant se trouvent leurs louanges au seigneur, c’est exactement ce que  les hommes font mais de manière plus organisé.


Après les Laudes vient la messe qui est une action de grâce par excellence. Ensuite le petit déjeuner. Quand l’âme se lève, il doit se lever aussi avec le corps, il faut continuer à nourrir le corps pour qu’il soit gai dans une âme saine.  Après le repas, on vaque aux travaux. Chaque frère à une activité...vous verrez le frère Jean Christophe à l’hôtellerie, il doit organiser l’accueil. Des pensionnaires qui arrivent, d’autres qui repartent, tout cela est à organiser.


Le café qui est le poumon de notre économie, d’autres frères travaillent aussi dans ce secteur. D’autres travaillent à la confiturerie, à l’épicerie, au garage. Certains frères s’attèlent à l’extraction d’huiles essentielles, de mangue etc. D’autres sont à la cuisine et certains s’occupent de la liturgie, voir les insuffisances et faire ce qu’il y a lieu de faire. Voilà quelques travaux auxquels vaquent les frères au monastère.




Après ceci, on doit couper nos activités avec la cloche à midi. On doit se rendre à l’église pour sanctifier la journée. Le seigneur nous a donné la journée, nous l’avons accueilli, nous avons vécu une partie, nous retournons à lui pour lui rendre grâce et lui remettre la suite de la journée. Bien qu’en travaillant nous pouvons être en contact avec Dieu, c’est pour bien le faire que nous retournons à lui. D’une manière explicite, il faut appeler les frères qui sont dans leur particularité de prière pour que la voix devienne communautaire pour s’élever vers Dieu.  

                               
Après la prière nous allons au réfectoire et suite à cela, la règle demande qu’on se repose un peu après le repas.  Suite à la sieste, on nous appelle par la cloche  à 14h30 pour une prière de début de l’après-midi.La none qui veut dire neuf, la neuvième heure de la journée. La journée est ainsi scandée par nos frères juifs.  Après cette prière, chaque moine s’occupe à des recherches personnelles, des activités qui a trait directement à son évolution spirituelle soit à la bibliothèque ou ailleurs. Une occupation avec l’agrément,  la bénédiction du supérieur.


Après cela nous rentrons dans la partie que nous pouvons appeler le troisième pilier du moine, La lectio Divina qui est une lecture spirituelle. Pendant cette lecture, une forme de prière spontanée peut jaillir dans notre cœur, c’est pour cela qu’on dit que la lectiodivina est une forme de prière.
Nous retournons au réfectoire après la prière pour le diner. Selon les jours, après le diner, les frères se réunissent pour partager des nouvelles et organiser aussi la journée à venir. Si ce n’est pas le jour de rassemblement les frères s’occupent entre 15 et 20 min jusqu’à 20h40 heure à laquelle on s’en va pour la prière de nuit qui finit à 21h 30 ou à 22h00 quelques fois. Ainsi se récapitule la journée d’un moine au monastère de Dzogbégan.




Est-ce que vous avez des vacances ?





Dans ce monastère, il n’y a pas de congés ni de vacances. Le monastère est certes une école mais c’est aussi notre maison. Imagine un père ou une mère qui annonce à ses enfants qu’aujourd’hui je prends congés de ma maison (rire)...mais il peut dire aujourd’hui je prends du repos dans ma maison. Ça c’est bon, c’est clair.


Qui peut être moine ?



La première  condition c’est d’avoir la vocation. C’est d’avoir ce désir, cette envie de chercher Dieu, d’aller plus dans la relation avec Dieu. Pour définir encore ce que c’est que le moine, le moine n’est rien que celui qui veut vivre plus les valeurs évangéliques de son baptême, tout chrétien qui veut vivre à fond son baptême. En cela il n’y a pas de charisme, c’est général. Il faut avoir cet appétit de Dieu pour se démarquer de la quotidienneté de la vie. C’est en cela qu’on peut parler d’appel. Un appel de Dieu à vivre cette forme de vie, la vie monastique. Dieu appelle tout le monde. Tout le monde est appelé à la sainteté. Pas question de chrétien, de musulman, de catholique, de bouddhiste. Tout être humain est appelé à la sainteté. 

Devenir saint comme votre père est saint. Il faut avoir plus d’écho à cet appel. Ensuite après le domaine de la divinité, Il faut le domaine des humains. La vie monastique est enrobée dans une culture, il faut connaître un minimum  de cette culture avant de pouvoir la vivre. Cette culture commence par la langue et ici c’est la langue française d’où un minimum d’étude. Nous exigeons aujourd’hui un niveau BEPC avec une formation professionnelle ou un niveau BAC. A ce stade tu peux commencer dans l’immédiat. 




Nous n’avons pas de limitation d’âge, si la personne vient avec à 25 ou 30 ans avec un niveau BAC nous l’acceptons. C’est la personne qui fait le travail avec Dieu, nous nous ne sommes que des indicateurs vue l’expérience que l’un et autre ont déjà vécu. Il faut que l’individu soit animé de ce désir profond pour mieux faire son expérience. On peut rentrer avec un Doctorat ou un diplôme d’ingénieur, tout cela constitue un atout.

                                       
Pourquoi les moines n’ont ni femmes ni enfants ?
                  
Il faut dire que les choses ont commencé comme ça. Les premiers moines quittaient les villes pour entrer au désert et vivre seuls. Imaginez que celui-ci se déplace avec toute sa famille, le moine sera donc partagé dans sa quête de Dieu entre sa famille et sa quête. 

Ce n’est pas pour dire que cette vie est péchée mais toi qui veux exprimer tout ton amour à Dieu, tu as besoin d’être dans un état qui peut permettre cela. L’appel de la sainteté est donné à tous mais tout le monde ne le reçoit pas dans la même qualité d’écoute. Ceux qui ont la grâce de l’écouter et qui veulent répondre à ce degré de l’appel sont obligés de prendre quelques distances vis-à-vis de ce qui ne permet pas de gravir cet échelon de sainteté. C’est pour cela que les moines n’ont pas de femmes et d’enfants. 

C’est ainsi pour tous les religieux catholiques. Dans le canon oriental orthodoxe, si tu es prêtre et que tu veux te marier, il y a cette possibilité mais il faut faire le choix avant d’être diacre. Imagine un  évêque qui doit être le supérieur de tout un diocèse et a en charge au moins trois paroisses, s’il est marié, où est ce qu’il va laisser sa famille ? La femme dira qu’il l’abandonne... Ceci n’est pas lié au fondamentale de la vie, de la relation avec Dieu. C’est une exigence de moyens pour assouvir notre quête. Donc pour répondre à sa charge d’évêque ou bien de prêtre ou de religieux on a pensé que cet état de célibat est mieux pour répondre à cela.  En se référant à notre maître Jésus  que nous suivons, quand il est venu il a vécu dans le célibat aussi bien que certains de ses apôtres.





Pour être pour tous, il faut éviter d’être pour un.